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Écrit par Morgane Caillière publié le 06 mai 2025
Bailleur privé : Que demandent les associations et professionnels de l'immobilier ?
Alors que la crise du logement s’impose comme une urgence nationale, l’exécutif français s’emploie à rétablir la confiance des investisseurs privés dans l’immobilier locatif.
La création d’un statut du bailleur privé, actuellement à l’étude, s’annonce comme une réponse aux difficultés croissantes rencontrées sur le terrain. Porté par plusieurs parlementaires et soutenu par les acteurs du secteur, ce projet entend poser les bases d’un cadre fiscal attractif, clarifier les règles du jeu pour les propriétaires particuliers et inciter à la rénovation du parc locatif.
Une crise au cœur des préoccupations locales
Dès le congrès des maires de novembre 2024, Valérie Létard, tout juste nommée ministre du Logement, avait donné le ton. Devant les élus municipaux, l’ex-sénatrice UDI du Nord reconnaissait sans détour que la crise du logement était « le premier sujet qui éclate à la figure des élus locaux ». Elle insistait alors sur la nécessité de mobiliser l’ensemble des leviers disponibles, « de l’hébergement d’urgence jusqu’à l’investissement privé ».
À cette occasion, la ministre soulignait que l’investissement locatif ne devait « pas être confiscatoire » et appelait à « redonner de la respiration à l’investissement privé ». Un groupe de travail spécifique a été annoncé pour traduire ces intentions en actes.
Une mission parlementaire au travail

Le 15 mars 2025, un cap plus concret a été franchi avec la désignation de deux parlementaires chargés de proposer les fondations du futur statut du bailleur privé : Marc-Philippe Daubresse, sénateur Les Républicains du Nord, et Mickaël Cosson, député Démocrate des Côtes-d’Armor. Tous deux doivent remettre leurs propositions d’ici juin.
Selon une déclaration de Mickaël Cosson à La Tribune, une réunion est prévue le 20 mai avec Valérie Létard pour faire le point sur les pistes envisagées. Un premier retour aux professionnels du secteur est attendu à la fin du mois de mai. Cette temporalité coïncide avec l’élaboration du projet de loi de finances 2026, dans lequel le nouveau statut pourrait s’inscrire.
Des mesures fiscales en débat
Le cœur du futur statut résidera sans surprise dans la fiscalité. Une proposition de loi émanant du député Charles de Courson a d’ores et déjà été déposée à l’Assemblée nationale. Elle prévoit un taux forfaitaire unique de 12,8 % sur les loyers nets perçus, conditionné à la location de logements neufs pour l’habitation principale, pour une durée minimale de neuf mois, et dotés d’un diagnostic de performance énergétique (DPE) classé D ou mieux.
Ce type de mesure vise à simplifier l’imposition des revenus fonciers tout en incitant les propriétaires à louer des biens plus performants et plus durables. Une manière de conjuguer redynamisation de l’investissement et transition énergétique du parc locatif.
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Les attentes fortes des associations de propriétaires
Pour les propriétaires particuliers, représentés par l’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI), la fiscalité actuelle applicable aux revenus locatifs est trop complexe, trop lourde et peu lisible.
Dans ce contexte, l’UNPI plaide pour une réforme ambitieuse et structurante, avec la mise en place d’un dispositif fiscal universel applicable à tous les logements loués dans le parc privé, qu’ils soient meublés ou non, neufs ou anciens.
Au cœur de cette proposition figure un mécanisme d’amortissement du capital immobilier, inspiré du régime des loueurs meublés non professionnels (LMNP). Ce dispositif permettrait aux bailleurs de déduire 80 % de la valeur du bien sur 40 ans (soit 2 % par an), ainsi que 100 % des travaux de rénovation lourde sur 20 ans (à hauteur de 5 % par an).
Les charges courantes, les frais de gestion, la taxe foncière, les primes d’assurance ainsi que les intérêts d’emprunt seraient également entièrement déductibles. En cas de déficit foncier, les pertes pourraient être reportées sans plafond sur les années suivantes, ce qui constituerait une avancée significative par rapport au régime actuel.

Une autre mesure phare concerne la réintégration de l’amortissement dans la valeur de revente au bout de dix années de location, afin de ne pas pénaliser fiscalement la cession du bien tout en assurant une cohérence économique. L’UNPI estime que ce nouveau cadre pourrait générer un gain de rentabilité de 0,8 à 1 point pour les bailleurs, tout en représentant un coût public réduit : environ 500 millions d’euros par an, soit bien moins que les dispositifs fiscaux comme feu le Pinel.
Au-delà des considérations strictement fiscales, l’UNPI milite pour une reconnaissance statutaire du bailleur privé comme véritable acteur économique du logement, au même titre que les bailleurs sociaux. Cette reconnaissance passerait notamment par un environnement juridique et fiscal stable, ce que réclame avec insistance son président, Christophe Demerson.
Dans une tribune récente, ce dernier alerte sur le climat d’incertitude qui règne depuis plusieurs années : « Les propriétaires veulent une stabilité fiscale et réglementaire. Il est urgent de cesser les injonctions contradictoires et les réformes successives qui fragilisent la confiance des investisseurs. »
L’association appelle également à une meilleure protection des bailleurs contre les impayés, les contentieux longs et les dégradations de logement. En contrepartie, elle ne s’oppose pas à l’instauration d’exigences strictes sur la performance énergétique ou la décence des logements, à condition que celles-ci s’accompagnent de moyens adaptés et d’un calendrier réaliste.
La FPI défend un « micro-entrepreneur bailleur »
Du côté des promoteurs, la création d’un statut du bailleur privé est perçue comme une opportunité décisive pour relancer la demande en logements neufs. La Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) appelle de ses vœux la mise en place rapide d’un cadre fiscal clair et stable, qu’elle qualifie de « statut de micro-entrepreneur bailleur ».
Pour Pascal Boulanger, son président, il s’agit de sortir d’une logique de dispositifs provisoires et segmentés pour offrir aux investisseurs particuliers une vision de long terme, sécurisée et rentable. « L’investissement locatif n’est pas qu’un placement financier. Il a une utilité sociale, économique et territoriale. Il est temps de reconnaître le rôle de ces bailleurs dans la production de logements », déclarait-il en début d’année 2025.
Comme l'UNPI, La FPI souhaite que ce statut permette l’amortissement du bien immobilier sur la durée de détention, à l’image de ce qui est autorisé pour les professionnels et dans d’autres pays européens. Le dispositif actuel, jugé trop rigide et fiscalement désavantageux, pénalise les particuliers qui investissent sans recourir à des statuts spécifiques comme le LMNP.
L’organisation professionnelle insiste par ailleurs sur l’urgence d’agir. Face à l’effondrement des mises en vente — en recul de plus de 30 % en 2024 — et à la baisse simultanée des ventes aux investisseurs individuels et aux bailleurs institutionnels, la FPI considère que le nouveau statut doit être le pilier d’un plan de relance du logement neuf.
Pour Pascal Boulanger, « le logement est un secteur productif, non délocalisable, et immédiatement mobilisable pour soutenir l’économie nationale ». Il estime que ce statut, s’il est correctement conçu, pourrait déclencher un sursaut de confiance et remettre en mouvement l’appareil de production.

Des garde-fous à ne pas négliger
Si les associations de bailleurs et les promoteurs saluent l’initiative de la création d'un statut de bailleur, plusieurs voix appellent à la prudence. La Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM) met en garde contre les effets de seuil ou les dispositifs trop restrictifs. Olivier Safar, président de la Commission gestion locative de la FNAIM, rappelle que « plus de 90 % du parc privé est détenu par de petits bailleurs », souvent désarmés face à la complexité des réformes successives.
La profession appelle donc à éviter une superposition des dispositifs et à privilégier un système lisible, souple et évolutif. Certains experts-comptables spécialisés dans la gestion immobilière vont dans le même sens : « Un statut trop complexe sera contre-productif. Il faut que le dispositif soit simple, compréhensible et applicable à grande échelle », note François-Xavier Charpentier, associé chez Fiducial.
Une réforme applicable en 2026 ?
Au-delà de la seule dimension fiscale, le statut du bailleur privé s’inscrit dans une réflexion plus large sur l’avenir du logement en France. Il s’agit de mieux répartir les responsabilités entre acteurs publics et privés, de renforcer la qualité du parc locatif, de favoriser la rénovation énergétique, et de garantir un accès au logement dans les zones les plus tendues.
La réforme pourrait aussi redéfinir le rôle du bailleur dans le système locatif : non plus simple pourvoyeur de logements, mais acteur engagé dans une logique de service, de transparence et de qualité.
Le calendrier fixé par le gouvernement est serré. Les travaux de la mission Cosson–Daubresse doivent déboucher sur une première synthèse en juin 2025. Cette feuille de route alimentera le débat parlementaire de l’automne, en vue de la loi de finances 2026.



